Dycle: couche-culotte du future – Entretien avec Ayumi Matsuzaka

Dernière étape du tour SuperFrance 2020 à Genève avec des entrepreneurs locaux

Lors du tour SuperFrance réalisé récemment par Gunter Pauli et Idriss Aberkane pour promouvoir les initiatives de l’économie bleue, l’un des projets clé qui a été présenté avec beaucoup d’enthousiasme concernait la fabrication des couche-culotte biodégradables, ainsi que l’utilisation des déchets des bébés pour en faire de la Terra Preta, inspiré des sols fertiles de l’Amazonie.

C’est donc avec grand plaisir que j’ai eu l’occasion récemment de rencontrer à Berlin Ayumi Matsuzaka, co-fondatrice de la start-up Dycle, pionnier des couche-culottes biodégradable, afin d’en apprendre plus sur ce projet.

Dycle Cycle: schéma circulaire des couche-culottes
Presentation Dycle (www.dycle.org)

Lors de notre entretien, Ayumi-san m’a parlé du projet Dycle et de son cycle de développement: la production des lingettes couche-culotte fabriqué à partir de matériaux biodégradables à base des fibres naturelles et du textile de chanvre; la distribution à la clientèle; la récupération des couches pour en faire de la terra preta, et l’utilisation de ce dernier pour planter des arbres fruitiers.

Nous avons discuté entre autres de:

  • Le business model de Dycle: un model à souscription incluant 200 lingettes par mois, par famille (200 familles) . L’idéal dans l’avenir serait de pouvoir les distribué gratuitement
  • Les challenges: le cout élevé des machines de production actuels
  • L’usage du biochar (charbon) et des EM (Effective-Micro-organisms) pour faire un composte hybride bokashi-lombriculture pour la fermentation des déchets (des bébés, mais aussi des déchets alimentaires)
  • Ameliorations prevues pour 2021 permettront une production des lingettes à des couts moindre, notamment pour les pays en développement
  • Les machines sont similaires a celles utilisé par Arunachalam Muruganantham (connu sous le nom de Padman) qui a crée des machines à fabrication des serviettes hygieniques low-tech-low-cost pour femmes en Inde
  • L’importance de se concentrer d’abord sur un produit de qualité
  • L’importance de visiter les sites de productions en personne, d’identifier les sources de déchets (opportunités), ainsi que de parler avec les gens (afin d’échanger les savoirs-faire)

Lingettes Dycle

Les lingettes que m’a montré Ayumi-san sont composées de laine de chanvre, ainsi que des petits morceaux de paille de chanvres. Ces matériaux sont issues principalement des déchets de la production locale du chanvre, et donc acquis gratuitement.

Le chanvre est un matériel idéal et caractéristique de l’économie bleue, car sa production nécessite peu de ressources par rapport aux alternatives (e.g. coton) : peu d’eau; pas besoin d’engrais artificiels; possède des propriété anti-bactériennes et régénère les sols avec ses racines profondes. Et je ne parle même pas des bien-faits nutritionnels des graines de chanvre riche en protéines et huiles omégas 3 & 6.

Terra Preta do índio

Documentaire sur la terra preta (BBC; anglais)

La Terra Preta (terre noire en Portugais) est un type de sol riche en carbone, fait a partir de déchets alimentaire et même fécale, avec notamment la présence de charbon: élément clé qui assure une biodiversité des micro-organismes dans le sol. L’origine de la Terra Preta vient de la foret Amazonienne où cette dernière est abondante. Elle nous indique entre autres, que le développement de cette biosphère ne s’est pas produite naturellement, mais au contraire, est le produit d’un savoir-faire bien plus sophistiqué des cultures meso-americaines de l’époque.

Le biochar est un type de charbon conçus typiquement a partir de matériaux riche en carbone (comme le bois ou des plantes) procédé en pyrolyse (combustion avec très peu d’oxygène). C’est un material exceptionnel, versatile, et low-tech, qui par sa porosité permet d’adsorber les bactéries et micro-organismes comme une éponge, pour ensuite être utilisé comme engrais naturel. Elle m’a d’ailleurs fait savoir que le recyclage de la paille de riz à la fin de la moisson pour en faire du charbon pour la récolte suivante faisait partie d’une longue tradition Japonaise, et plus généralement répandu en Asie.

Le biochar peut par exemple, être utilisé pour la purification des eaux, notamment dans les stations d’épuration, qui une fois saturée des micro-organismes peut ensuite être utilisé comme engrais sur les sols. Il permet aussi comme le café, d’absorber les odeurs et offre donc une synergie parfaite pour l’utilisation avec le humanure (fumier humain).

Pour plus d’information sur le charbon et ses avantages, j’ai inclus un lien de la fondation Ithaka à la fin de cet article qui illustre plus de 55 usages du charbon de bois!

Pour plus d’information sur la fabrication de Terra Preta, Ayumi-san à même crée un guide illustré DIY disponible sur le site Dycle 🙂

J’ai beaucoup apprécié son témoignage en tant qu’artiste et entrepreneur, notamment l’ecart entre certains principes théoriques de la blue economy et les challenges concrets. Je prends l’exemple du business model, car même si l’idéal serait de distribuer les lingettes gratuitement, la réalité actuelle est que le projet nécessite tout de même un coût de souscription afin de couvrir les frais de productions (CAPEX + OPEX). Cependant, le projet est en plein developement et pourrait dans le future optimiser et meme diversifier son cashflow. Je pense par exemple, à des kits bokashi à base de charbon qui permettrait aux citadins de composter leur dechets alimentaires (et je parle en tant qu’utilisateur de bokashi!). J’ecrirai peut-etre sur le bokashi dans un article prochain.

Bokashi est un systeme de compostage anaerobique (fermentation), et probablement l’un des plus efficace et simple à utiliser.

Un deuxième point marquant était la distinction entre le coté business financé par la souscription; et la partie association de Dycle responsable du composte et des plantage des arbres fruitiers en partenariats avec des pépinières, financé principalement par donations.

Nous avons aussi parlé de l’importance de la modélisation systémique (Systemic Design) pour identifier les matériaux et les opportunité pour innovations.

Mais aussi l’importance d’établir des contactes, avoir des compétences transférables et identifier les ressources locales disponible. Par exemple, pour en savoir plus sur le marché du chanvre, elle m’a recommandé d’aller visiter les sites de production et de discuter avec d’autres entrepreneurs, car les informations importantes ne sont souvent pas disponible sur internet, d’où l’importance de participer aux ateliers, voir même de faire des stages et surtout, de garder contacte avec ces gens là.

D’ailleurs à ce propos là, nous avons aussi discuté de l’importance d’une relation entre le sensei et son (ses) apprentis (le mentorship en anglais). Gunter parle souvent de la relation dynamique et mutuelle entre un maitre et ses élèves, ainsi que l’importance du maitre d’apprendre de ses élèves. C’est dans cette optique là que Ayumi-san m’a recommandé de contacter d’autres personnes, dont Gunter, mais surtout d’échanger des communiqués avec des expérimentations concrètes et visuelles (le dicton anglais du Walk the Talk).

Conclusion

Cet entretien m’a beaucoup inspiré et aidé pour le projet dont je travail en ce moment (recyclage des huiles de friture usagés pour la fabrication de bougies), ainsi qu’au niveau du recyclage des déchets alimentaires avec le bokashi et le biochar, et sans oublier, sur l’importance d’entretenir des relations avec d’autres entrepreneurs. L’un des pilliers de l’economie bleue est sa capacité à établir des synergies avec de diffèrents matériaux, secteurs et joueurs qui produisent des combinations inouï, ainsi que le partage de ces connaissances. C’est dans cet esprit là que je souhaite partager cet entretien, ainsi que les savoirs-faire qui me sont acquis.

Merci d’avoir lu jusqu’au bout, et n’hésitez pas à me contacter si vous avez des questions (paucotan sur le Discord SuperFrance) ou en commentaire ci-dessous. Un très grand merci à Ayumi Matsuzaka pour cette opportunité inédite, ainsi qu’a Gunter, Idriss et à toute l’équipe SuperFrance pour leur travail fantastique.

Autres ressources:


Site officiel Dycle couche-culotte

Site-web d’Ayumi Matsuzaka

Ithaka Foundation (pour le biochar/charbon) (55 usages du charbons; en anglais)

Bokashi / EM pour la fermentation des déchets alimentaires et les travaux du professeur Teruo Higa

Precious Plastic (recyclage de plastique)

Eko Fungi (production de champignons avec les déchets de café)

Site officiel SuperFrance pour plus d’infos sur l’économie bleue

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